Julien Yemadjè est né à Abomey (Bénin) le 12 janvier 1950 dans
un milieu traditionnel Fon. En effet, la famille des YEMADJE est celle des couturiers
du roi et des notables, qui réalisent les tentures et les parasols dédiés aux
cérémonies. Dès son plus jeune âge, il a donc appris à coudre des appliqués
et a poursuivi ses études dans le même temps. Il est actuellement professeur
d'arts plastiques, mais continue à perpétuer la tradition des appliqués tout
en y apportant sa vision personnelle. Julien Yemadjè est également conteur et
ses appliqués deviennent ainsi le support de ses fables. Les appliqués sur tissu
ont été réalisés au sud du pays dans un royaume fondée par une famille princière,
celle des Agasuvi à Abomey, le futur Danhomé. Ils ont consigné leurs hauts faits
sur des tentures ornant leur palais. Spécialité d'Abomey, les appliqués sur
tissu sont le résultat de l'activité de plusieurs catégories d'artisans fileuses,
tisserands, tailleurs, brodeurs, et également de forgerons qui forgent les ciseaux,
l'aiguille, le dé. Les Hountondji, originaires de Tado, sont forgerons et bijoutiers
du roi. Les femmes âgées filent la bourre du coton sur la fusaïole. Le fil ainsi
préparé sert à tisser ou à coudre et apparaît en blanc ou écru. Autrefois en
raphia, les étoffes en coton se sont généralisées à la fin du XVIIIe siècle.
Le fil ou l'étoffe peuvent être teints dans un bain de teinture dont la couleur
change selon les végétaux utilisés. Le tissage est le fait des descendants du
roi Agonglo, la couture, celui des Yemadjè dont les ciseaux sont l'emblème.
Depuis le règne du roi Glèlè, les appliqués, et particulièrement les tentures
sont l'oeuvre des Yemadjè. Comme tous les artisans, tisserands et brodeurs vivaient
dans des quartiers spécialisés non loin du palais. De nos jours, à Abomey, les
artisans sont en partie installés dans l'une des grandes cours du palais. Autrefois,
les Yemadè travaillaient à la demande du souverain pour les besoins du palais
et également pour les princes et les chefs intronisés par le souverain. Toutefois,
certains appliqués restaient l'apanage du roi. Une fois la royauté d'Abomey
affaiblie, les activités des artisans perdirent une grande part de leur sens.
Les familles princières continuèrent de passer quelques commandes. Les nouveaux
administrateurs, plus ou moins conscients de cette réalité incitèrent certains
artisans à perpétuer leur savoir-faire. Toutefois, de nombreuses réalisations
ont disparu. Les plus anciens appliqués encore existant remontent au milieu
du XIXe siècle. Chaque souverain choisissait des allégories caractéristiques
qui servaient à l'identifier. Ainsi est-il possible de reconnaître le règne
de tel ou tel roi à travers les appliqués qui sont conservés. Les appliqués
servaient à désigner le roi, à souligner sa grandeur, à rappeler les hauts faits
de son règne et de ceux de ses ancêtres, au même titre que les autres attributs
du pouvoir. Une part des tentures restait dans les palais et n'était vue que
par le souverain et ses proches. Les sujets n'étaient pas autorisés à franchir
le seuil de la demeure royale. De nos jours, les artisans installés dans une
cour du palais royal d'Abomey perpétuent l'ancien savoir-faire hérité de l'apogée
de la royauté. Les tisserands préparent des nappes ornées des allégories royales.
Les teinturiers exposent les productions actuelles représentations des anciens
symboles royaux, avec parfois mention des dates des règnes. Puisant dans l'ancien
fonds des traditions rurales et dans celui de la divination par le Fa, les teinturiers
figurent des animaux : le lion, symbole de la force, les oiseaux, manifestations
de la domination ou support des charges du monde. D'autres tenturiers travaillent
dans différents quartiers de la ville, à la demande des familles royales et
des dignitaires de la région.
Extrait de Les appliqués sur tissu du Bénin, éd. Sépia,
collection du Musée de l'Homme, Saint-Maur, 1998