Joseph Kurhajec (né en 1938 à la frontière du Canada, dans le
Wisconsin) est un artiste américain remarquable, dont la réputation serait établie
depuis long temps si le triomphe de l’art “contemporain” international et l’hégémonie
de l’approche conceptuelle de l’art n’avaient pas marginalisé les créateurs
de son acabit. Après une enfance dans un ranch où ses grande parents, originaires
de Tchécoslovaquie, étaient à la tête d’un élevage de visons, il choisit
d’abord d’étudier la sculpture sur métal à l’université du Wisconsin, mais c’est
une exposition de fétiches du Congo à l’Art institute de Chicago qui, en 1961,
va décider de son orientation artistique: une sorte de néo-tribalisme où la
céramique, la pierre, la corne, les cordes, la fourrure ou les ossements, se
mêlent pour former d’étranges objets “chargés”, masques ou fétiches d’une civilisation
primitive imaginaire. Ayant vécu et travaillé successivement à New York, à Rome
et en Angleterre, Joseph Kurhajec s’est installé à paris en 1987 et son art
momifié (mummified art), plus tourné vers les sociétés archaïques, voire la
préhistoire, que vers le futur, a été présenté dans de nombreuses expositions,
personnelles ou collectives, aux États-Unis, au Canada et en Europe,
ainsi qu’au Chili et en Inde. Il figurait déjà dans l’exposition young America
1965 du Whitney muséum of American Art, à New York, à l’époque où l’art
dominant prenait une direction opposée autour d’Andy Warhol. Aujourd’hui Joseph
Kurhajec partage son temps entre son atelier parisien, sa maison-musée de treadwell,
au nord de New York, et sa demeure mexicaine de mérida, au Yucatán, où
il avait étudié la culture maya dans sa jeunesse et pratique aujourd’hui la
sculpture sur pierre. Ses collages d’éléments reptiliens sur fonds apocalyptiques
ou antédiluviens semblent la métaphore inquiétante des régressions cosmiques
qui se préparent.
Laurent Danchin |