DEVANT UNE TOILE

Devant une toile, un tableau, on peut voir, quand on aime la peinture, si le peintre aime vraiment peindre ou s'il peint par caprice, intérêt ou désoeuvrement, pour la galerie. Cela ne saute pas aux yeux mais cela caresse le regard qui devine que le peintre, tout simplement, peint parce qu'il ne peut faire mieux ou autrement que de peindre pour exprimer et faire partager sa joie, son plaisir, son goût de vivre malgré tout. Et tout, aujourd'hui, c'est beaucoup et, la plupart du temps, beaucoup trop. Renée Halpern peint comme cela, pour cela.

JACQUES PREVERT

 

 

Ce texte a été publié sur un carton d'invitation à une exposition de peintures de Renée Halpern qui se tint à la galerie René Drouet a Paris, au 104, faubourg Saint-Honoré, du 18 novembre au 10 décembre 1970. Née en 1915 à Varsovie, Renée Halpern suivit les cours de l'École des arts décoratifs et de l'académie Ranson. Elle exposa pour la première fois à la galerie Drouet en 1954, puis à New York en 1960, au musée de Tel-Aviv en 1968, au musée Claude Bernard à Saint-Julien (Rhône) en 1973. C'est elle qui a conçu le timbre-poste commémorant le centenaire de la mort de Claude Bernard et créé l'épée d'académicien de son mari, le professeur Bernard Halpern. Elle avait fait la connaissance de Jacques Prévert vers 1958-1960

Les tableaux de René Halpern montrent souvent des intérieurs où des fenêtres s'ouvrent sur le monde, possibilité d'envol, signe de liberté. Elle exécute elle-même les lithographies inspirées par ses peintures. « La lithographie peut s'expliquer, dit-elle, mais une toile, c'est l'inexplicable. Lorsqu'on a essayé de m'expliquer la peinture, je n'ai rien compris. Je suis entrée en peinture par moi-même, sans raison mais avec passion. On ne peut pas expliquer la peinture. »

(J. Prévert oeuvres complètes. La Pléiade/Gallimard)